Ce livre étudie une vague inouïe d’assassinats politiques dans les États italiens du début de l’époque moderne, et dénoue l’écheveau de textes parfois trop silencieux (pour ne pas froisser la majesté du prince), souvent aussi trop loquaces, portés qu’ils sont par les omniprésents fantasmes de poison ou de spadassins. Cette étude donne sens à ce moment criminel, en établissant sa nette inspiration tyrannicide. Se diffuse, dans cette Renaissance sanglante, une conception du tyran comme le prince de l’inversion des valeurs, comme l’homme de la destruction physique et spirituelle de la communauté, et cette vision entre en écho avec l’instabilité spirituelle et politique des temps. Le conjuré, en tuant ce tyran et en maltraitant son corps, tente de dévoiler le monstre caché, pour permettre le retour à l’harmonie politique et religieuse. Cette fréquence des conjurations, réelles ou fantasmées, conduit les souverains à modifier leur autorité. Le prince parvient à s’imposer comme le seul assassin possible, grâce à la construction d’un discours de la nécessaire obéissance, grâce à un jeu sur les dissimulations, sur une capacité assumée à la violence illégitime. Le prince, par sa violence arbitraire, se transforme en principe de puissance, séparé de la matérialité de son corps, ce qui conduit à vider de sens des pratiques tyrannicides qui s’appuyaient sur ce dévoilement du corps princier.