Le tribunat de la plèbe fut une des fonctions politiques les plus originales jamais créées. Concédés à la plèbe dès le début de la République romaine (494 avant J.-C.), les tribuns accompagnèrent tous les soubresauts politiques de ce régime et constituèrent, après sa chute, un élément important de la réflexion politique en Occident. Pour les débuts de leur histoire, les tribuns n’ont cependant pas fait l’objet d’un examen exhaustif depuis les travaux de G. Niccolini en 1934. À partir d’une étude prosopographique, ce livre souhaite ainsi réinterroger la place des tribuns de la plèbe, à Rome, aux deux premiers siècles de la République. Il se propose de montrer que les tribuns de la plèbe furent majoritairement d’origine non-romaine et que, contrairement aux idées reçues, ils n’étaient pas d’extraction modeste. Ce constat permet d’en faire les représentants d’authentiques gentes plébéiennes qui se servirent des pouvoirs tribunitiens pour résister à la politique du patriciat. Leurs plébiscites eurent de la sorte une influence fondatrice sur l’évolution institutionnelle et sociale de Rome aux Ve et IVe siècles avant J.-C. Par ailleurs, l’examen des reconstructions historiographiques antiques démontre l’équivocité de l’image des tribuns, qui combine à des stéréotypes négatifs une vision positive de leur action. La recomposition de ces constructions mémorielles polémiques dans toutes leurs dimensions illustre le rôle véritable des tribuns à l’aube de la République, tout en trahissant les tentatives de l’historiographie antique pour le masquer. À travers les tribuns, c’est la genèse de la République classique qui s’éclaire, ainsi que la conception qu’en avaient les contemporains.
Ancien élève de l’école normale supérieure de Lyon, agrégé d’histoire, ancien membre de l’école française de Rome, Thibaud Lanfranchi est maître de conférences en histoire romaine à l’Université Toulouse-Jean Jaurès.