Les archives récemment ouvertes du pontificat de Pie XI sont étudiées ici dans le domaine particulier des relations du Saint-Siège avec la France. L’apport d’analyses, riches et fécondes, menées par de jeunes chercheurs, rompus aux méthodes des sciences humaines, offre une voie d’accès privilégiée à la compréhension renouvelée d’un pontificat, plus complexe et plus nuancé que ne le présente la tradition historiographique, au moins dans quelques-uns de ses aspects. Plus attentif à la vocation universelle de la culture française qu’on ne l’a dit, Pie XI renforce la politique du ralliement entre le Saint-Siège et la République, et confirme ainsi l’œuvre de son prédécesseur Léon XIII. La théologie du Christ Roi, définie dès l’origine, associe une ouverture eschatologique aux aspects indiscutablement temporels, ouvrant, entre autres possibilités, une avenue à la perspective missionnaire du pontife. La crise de l’Action française, si nationale par tant de côtés, a une portée qui dépasse le seul cadre hexagonal. La mise en place de l’Action catholique, qui vise à organiser et ordonner les fidèles autour de l’autorité hiérarchique, est loin d’être limitée à la seule France. Les relations – timides – avec l’Islam et le judaïsme privilégient la défense de la catholicité, sans exclure toutefois l’amorce d’un dialogue. Une constante rigueur, intellectuelle et spirituelle, où percent quelques innovations dûment contrôlées, s’applique à la gestion ecclésiale des études théologiques dans les séminaires et les universités, comme dans l’approche des phénomènes mystiques, ou la discipline du mariage et de la sexualité. Rigueur qui s’accompagne du souci de l’intériorité, de la défense des droits de l’individu croyant, de la préoccupation de l’extension mondiale du règne de l’Évangile. A l’esprit - si souvent relevé - d’autorité centralisatrice, s’ajoute, en contraste, le réalisme pragmatique de l’historien, qui en nuance et en corrige la portée. Bref, un portrait contrasté du pontife qui a trouvé en France « une terre de consolation », tandis qu’il affrontait en Europe les puissances totalitaires menées par Mussolini, Hitler et Staline.